« Les loups sont-ils agressifs ? »
En Europe, le loup n'est pas considéré comme une espèce dangereuse pour l'homme
En Europe, le loup n’est pas considéré comme une espèce dangereuse pour l’homme
Une des idées reçues les plus fréquentes sur le loup dans les zones de recolonisation récente de l’espèce est que “nous ne pouvons plus laisser nos enfants seuls pour prendre le bus car ils risquent de se faire attaquer et dévorer par les loups”. C’est une affirmation très exagérée.
Le loup ne considère pas l’être humain comme une proie potentielle. Son régime alimentaire est composé plutôt par des ongulés sauvages (cerf, chevreuil, chamois, sanglier, daim, mouflon) et il se méfie généralement de l’homme, considéré à juste titre comme une menace potentielle à éviter si possible. En Italie et en France, par exemple, bien que le loup soit présent et répandu depuis plus de 20 ans dans des zones vallonnées et de montagne très fréquentées par les touristes, les observations de l’animal sont rares et aucun accident avec l’homme n’a été documenté. Dans les faits, un loup normalement essaie de s’éloigner de l’homme afin d’éviter toute rencontre.
Toutefois, comme n’importe quel autre animal sauvage, un loup peut se montrer imprévisible, voire agressif, s’il s’estime en danger. Comme lors des rencontres avec d’autres animaux sauvages, il est impératif de se comporter respectueusement : si jamais vous croisez un animal en train de se nourrir ou qui a peur, qui est blessé ou en danger et dans l’impossibilité de s’enfuir, ou encore une portée de jeunes, mieux vaut garder vos distances et s’éloigner.
Cela dit, pour en revenir aux loups, les statistiques montrent que les attaques sur les personnes sont rares. En effet, les loups ont un caractère timide et insaisissable. Il possède d’excellents sens, notamment l’odorat et la vue. Ils peuvent sentir la présence de personnes à une grande distance et ont tendance à s’éloigner avant de s’approcher. Même lorsqu’ils vivent dans des zones aménagées par l’homme, ils préfèrent se déplacer la nuit, lorsque les gens sont moins susceptibles d’être présents, comme le montre une étude récente menée en Suède, dans laquelle les déplacements de 52 loups appartenant à 44 meutes différentes ont été suivis sur une période de 10 ans.
Il faut savoir aussi qu’un nombre important d’attaques (létales ou pas) de loup sur l’homme documentées par le passé en Europe ont été causées par des loups atteints de la rage. De nos jours, des attaques sur l’homme se produisent essentiellement dans les parties du monde où la rage est encore bien présente et dans des contextes très différents de ceux de l’Europe (par exemple, en Asie). En dehors de ces zones critiques, en Europe et en Amérique du Nord, le risque de se faire attaquer par un loup est considéré très faible étant donné le nombre de cas documentés vis-à-vis du nombre de loups présents dans chaque population. Néanmoins, ce risque n’est pas nul pour autant, notamment en ce qui concerne des loups dits hardis ou problématiques. Prenons l’exemple de l’Amérique du Nord, où vivent environ 60 000 loups : pour la période 2002-2012, seules deux attaques létales sur l’homme par des loups non atteints de maladie y sont répertoriés (source : Alaska Department of Fish and Game). Ces épisodes ont eu lieu dans des régions lointaines et isolées où le niveau d’anthropisation du paysage n’est aucunement comparable à celui que nous trouvons dans les Alpes. Pour apprendre davantage sur les incidents impliquant des loups et des gens de par le monde, la source la plus complète et à jour (même si datant de 2012) est The fear of wolves. A review of wolf attacks on humans, disponible également en français, et sa mise à jour.
Le loup se méfie donc généralement de l’homme, qu’il considère comme une menace potentielle et qu’il évite de rencontrer s’il le peut. Cela dit, il y a certains comportements qu’il est important de conserver (à ce sujet, nous vous renvoyons à notre infographie « J’ai vu un loup ! »). Dans le cas d’une rencontre directe, il est important d’avoir une approche qui évite le dérangement, comme c’est le cas pour toute la faune sauvage. Si vous rencontrez des animaux en train de se nourrir, il est évidemment préférable de s’éloigner, comme c’est le cas si vous rencontrez une portée. Il est également important d’éviter d’approcher un loup blessé ou en difficulté et incapable de s’échapper, ce qui pourrait s’avérer dangereux parce qu’il est effrayé : dans ces cas, il est recommandé d’alerter immédiatement les autorités territoriales compétentes (ASL, Carabinieri Forestry, Parcs naturels, Police provinciale).
Il est essentiel de ne jamais fournir de nourriture aux animaux sauvages, y compris aux loups. Cela signifie ne jamais leur offrir directement de la nourriture, mais s’applique également aux sources de nourriture laissées à disposition, par exemple dans le jardin de la maison (aliments pour animaux, déchets alimentaires, déchets organiques). En agissant ainsi, nous risquons en effet de créer un stimulus positif qui les incite à sélectionner activement les environnements anthropiques et, avec le temps, à s’y habituer, perdant ainsi leur méfiance naturelle à l’égard de l’homme. Ceci est valable pour tout animal sauvage, y compris les loups. Un loup confiant est un loup fortement habitué à l’homme, qui n’en a pas peur et qui s’en approche directement et de façon répétée à pied, à une distance inférieure à 30 mètres. Ces loups au comportement anormal peuvent cependant être dangereux dans certaines occasions. Dans le cas des loups définis comme problématiques et confiants, une gestion spécifique visant précisément à prévenir les accidents avec les personnes est indiquée. La deuxième conférence internationale de LIFE WolfAlps EU était consacrée à ce sujet. ICI un rapport approfondi sur le sujet.
Mais d’où vient alors la mauvaise réputation du loup ?
Dans les documents d’archives (chroniques, annales, ordonnances, avis, édits, archives paroissiales, etc.), des attaques de loup sur l’homme sont signalées à partir du Moyen Âge, mais dans des contextes ruraux et alpins très différents de ceux de nos jours, avec une présence humaine alors nettement plus importante et répandue ainsi qu’une disponibilité bien moindre de proies sauvages. Dans les campagnes et les montagnes cultivées et déboisées des siècles précédents, les gens et les loups (ainsi que probablement les chiens errants) étaient en concurrence directe pour l’espace et les ressources alimentaires.
La documentation de l’époque relate des épisodes d’agression lupine dont la motivation serait alimentaire : les victimes étaient souvent des enfants et des femmes laissés seuls pour garder le bétail, une pratique répandue en Italie, en France et dans d’autres pays alpins jusqu’au début du XX siècle. Pourtant, les méthodes employées pour déterminer l’espèce responsable d’une attaque étaient alors complètement subjectives, contrairement à celles utilisées aujourd’hui, basées sur l’analyse génétique des échantillons biologiques (par exemple, de la salive trouvée sur une morsure) qui permettent d’attribuer ou non la responsabilité au prédateur de façon robuste et objective. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe, aucune attaque de loups sur l’homme à des fins alimentaires n’est à déplorer (à l’exception d’une cas douteux en 1946).